LA CÉVENOLE
- Salut, montagnes bien aimées,
Pays sacré de nos aïeux.
Vos vertes cimes sont semées,
De leurs souvenirs glorieux.
Élevez vos têtes chenues
Espérou, Bougès, Aigoual,
De leur gloire qui monte aux nues,
Vous n’êtes que le piédestal.
Refrain
Esprit qui les fit vivre,
Anime leurs enfants
Anime leurs enfants
Pour qu’ils sachent les suivre !
- Redites-nous, grottes profondes,
L’écho de leurs chants d’autrefois ;
Et vous, torrents, qui, dans vos ondes,
Emportiez le bruit de leur voix.
Les uns, traqués de cime en cimes,
En vrais lions surent lutter ;
D’autres – ceux-là furent sublimes -
Surent mourir sans résister.
- O vétérans de nos vallées,
Vieux châtaigniers aux bras tordus,
Les cris des mères désolées,
Vous seuls les avez entendus.
Suspendus aux flancs des collines,
Vous seuls savez que d’ossements
Dorment là-bas dans les ravines,
Jusqu’au grand jour des jugements.
- Dans quel granit, ô mes Cévennes,
Fut taillé ce peuple vainqueur ?
Quel sang avaient-ils dans les veines ?
Quel amour avaient-ils au cœur ?
L’Esprit de Christ était la vie
De ces pâtres émancipés,
Et dans le sang qui purifie
Leurs courages étaient trempés.
- Cévenols, le Dieu de nos pères
N’est-il pas notre Dieu toujours ?
Servons-le dans les jours prospères
Comme ils firent aux mauvais jours :
Et, vaillants comme ils surent l’être,
Nourris comme eux du pain des forts,
Donnons notre vie à ce Maître
Pour lequel nos aïeux sont morts !
Ruben Saillens (1855-1942)
Un pasteur de l’Église Évangélique Libre de Saint-Jean-du-Gard, Louis Guibal (1856-1936), voulait que soit conservé le souvenir de ces héros de la foi que furent les protestants Cévenols. Il demanda au pasteur et évangéliste Ruben Saillens, originaire, lui aussi, de Saint-Jean-du-Gard, de composer un poème évoquant le courage de ces saints d’autrefois, habituellement pacifiques, notamment sous la dirigeance de pasteurs du Désert comme Claude Brousson et Antoine Court, mais à qui il arrivait de se défendre par les armes.
Louis Guibal publia ce poème dans son journal, La Cévenole. Et le poème de Ruben Saillens sera connu dès lors sous ce nom de Cévenole.
La quatrième strophe, (Dans quel granit, ô mes Cévennes, fut taillé ce peuple vainqueur… ), est due à l’évangéliste Louis Pierredon (1854-1906).
Ce poème fut mis en musique par Louis Roucaute et chanté pour la première fois le 23 août 1885, durant la commémoration du bicentenaire de la Révocation de l’Édit de Nantes, dans une châtaigneraie en dessous du village de Saint-Roman-de-Tousque.