MISCELLANÉES EN HOMMAGE À ALFRED KUEN

J’ai rencontré Alfred Kuen, plus connu sous son sobriquet Mickey, pour la première fois en septembre 1955 lorsque, avec d’autres normaliens, je commençais à fréquenter l’Église La Bonne Nouvelle, quai St Nicolas, à Strasbourg. Il fut l’un des trois Anciens de l’époque. L’Église était vivante, accueillante, caractérisée par un authentique amour fraternel et l’enseignement qui y était donné a été une grande bénédiction pour ceux qui ont eu le privilège de l’entendre.

Alfred Kuen est un sage au sens que donne à ce mot le livre des Proverbes ! Il est significatif que parmi les premiers livres qu’il a publiés, on trouve l’Art de Vivre selon Dieu, une traduction et une édition par thèmes de ce recueil sapiential.

  1. Il était sage en tant que Maître d’une École d’Application Annexe de l’École Normale, 65 Avenue de la Forêt-Noire, à Strasbourg. En 1959, alors que j’étais en 4ème année d’École Normale, sanctionnée par le Certificat de Fin d’Études Normales (CFEN), j’ai fait l’un de mes trois stages d’un mois dans sa classe. Alors que dans les autres Écoles où j’avais fait un stage, tout était bruit, mouvement, et parfois semblance, ici tout était silence, concentration, authenticité et efficacité. Le Maître d’École marchait peu et à pas feutrés, parlait peu et d’un ton ouaté. Les élèves recevaient chaque jour de classe plusieurs feuilles d’exercices qu’il avait ingénieusement composés, et ils travaillaient sur ces devoirs avec assiduité et application. Plusieurs techniques astucieuses étaient prévues pour que les élèves fassent eux-mêmes la correction de ces travaux personnels. L’enseignant ne se fatiguait pas inutilement : il laissait les élèves redoubler d’efforts féconds. Alfred Kuen ne disait-il pas dans un message que « la connaissance prime l’effort » ?

  2. Il était sage dans la préparation de ses prédications, interventions, propositions.
    Tous ses messages étaient consciencieusement pensés, travaillés, élaborés.
    Un jour, après une prédication sur la tentation de Jésus, je lui demandai s’il voulait bien me prêter sa préparation, une épaisse liasse de feuilles de cahier d’écolier, ce qu’il accepta volontiers. « Combien de temps as-tu consacré à cette préparation ? « lui dis-je. « Oh, dit-il en faisant sa moue si caractéristique, une cinquantaine d’heures ! »
    Dieu voulut que j’entende cette réponse ! Je ne l’ai jamais oubliée, et elle m’a incité à payer le prix et à ne pas
    faire avec négligence l’œuvre de l’Éternel !

  3. Il était sage quand il rachetait le temps, refusait de le gaspiller, le temps perdu ne se retrouvant jamais. Une partie du livre inaugural d’une longue carrière d’auteur chrétien, « Je bâtirai Mon Église », a été rédigée dans le tramway entre sa demeure et son École d’Application. Ses traductions de la Bible ont été faites partiellement dans les trains qui le conduisaient aux lieux de prédications ou de conférences. Il ne musardait jamais.
     Avare de son temps, ou plutôt soucieux de bien le gérer, il savait  cependant se rendre disponible pour des entretiens pastoraux. Ainsi, lui  et son épouse Mimosa, ont consacré beaucoup de temps à celle qui  allait devenir mon épouse et lui ont témoigné patience, sagesse et  affection fraternelles.

  1. Il était sage aussi quand il se tenait soigneusement éloigné des intrigues, manigances et manœuvres théologiques, sociales ou relationnelles qui agitaient de fois à autre la vie d’Église. Du moins il ne parlait qu’aux concernés, mais alors avec une solide argumentation biblique, et sereinement.

  2. Il était sage, enfin, quand sa parole et son comportement étaient sobres, prudents, modérés, raisonnables et avisés. Mickey avait l’art de dédramatiser des situations. Combien de fois n’a-t-il pas réagi à des récits d’apparence alarmante ou tragique, par un large sourire ?

Son ataraxie, son équanimité et sa sérénité rassuraient les personnes qui       l’entouraient. Alors que je faisais mes études à l’Université de Strasbourg, je fus saisi d’une forte envie de travailler dans un champs de mission suite à la lecture d’un journal missionnaire. Un responsable d’une importante mission, que j’avais contacté, vint me voir et m’encouragea vivement dans cette voie. J’envisageai donc d’abandonner mes études et de me former dans un institut biblique, mais j’étais fortement troublé. Je ne sais plus comment Mickey apprit ma perplexité et mon désarroi, mais avec beaucoup de bon-sens il m’expliqua qu’il ne convenait pas que j’interrompe mes études universitaires. Il avait raison.

Maintenant, sage à la tête chenue, il est un homme heureux et debout,
f
luctuat nec mergitur1ayant, sans chercher renommée ni célébrité, travaillé toute sa vie gratis pro Deo.
Gloire à Dieu !

Théophile Hammann

1 Il est battu par les flots, mais ne sombre pas. Devise de la ville de Paris.

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