UN ENTRETIEN AVEC DANIEL REUTENAUER

UN ENTRETIEN AVEC DANIEL REUTENAUER

Daniel Reutenauer, aumônier protestant évangélique alsacien, nous livre quelques aspects de sa vie privée, familiale et professionnelle. Passionnant !

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– Daniel, élevé dans une famille chrétienne, tu as quasiment bu l’évangile avec le lait de ta mère ?
– Dans un sens, mais cela n’a pas facilité mon adhésion de cœur à l’évangile. Mes relations avec mon père étaient difficiles, souvent tendues. Tout le monde le craignait à la maison. Ma mère, une femme douce et bienveillante a vécu en chrétienne humble et soumise jusqu’à sa mort en 2008. Mes trois sœurs, des femmes de grande valeur, ont bien réussi dans la vie.
Elles sont fidèlement attachées au Seigneur, peut-être même à cause des épreuves qu’elles ont endurées.
– Je suppose, Daniel, que tu as pu pardonner pleinement à ton père ?
– Oh oui Théo ! Cela a pris du temps, ce ne fut pas du tout facile. Un jour je lui ai écrit une lettre, puis je suis allé le voir. La réconciliation a pu avoir lieu.
– Mais avant d’effectuer cette belle démarche, tu as vécu longtemps loin du Seigneur, dans le monde, dans le péché, dans la révolte contre Dieu ?
– Oui, malheureusement ! Mais cette vie de désordre ne m’apportait ni paix ni bonheur. Dieu, cependant, savait comment me trouver. Alors que je me rendais chez mon meilleur copain, ma voiture a fait une embardée et s’est retournée. Plus de frayeur que de mal. Alors que je me trouvais chez moi, en arrêt de travail, deux jeunes, de mon âge environ, et que je ne connaissais pas, vinrent me rendre visite. Ils prétendirent venir de la part du Seigneur et me délivrer un message de sa part :
– Le Seigneur t’appelle, dirent-ils, et vient de te donner un avertissement. Change de vie !
Je ne croyais pas trop que le Seigneur se serait donné la peine de me parler ! Mais voilà que peu de jours après ils revinrent pour m’inviter à une réunion du Groupe de Jeunes de leur Église ! Je m’y rendis. Alors que tous les jeunes étaient assis en cercle, un orateur invité, d’une trentaine d’années, se mit à déclarer :
– Bonsoir les amis ! Avant de commencer, je voudrais dire que le Seigneur m’a informé aujourd’hui qu’il y a parmi vous quelqu’un qui doit changer de vie. Le Seigneur lui a donné un premier avertissement. Voici le second…
– Agacé par ces paroles, je me levai et je quittai la salle. Ils eurent la sagesse de ne pas chercher à me retenir !
En janvier 1985 je rencontrais un ami qui venait de se remarier après avoir perdu son épouse. Il n’avait pas encore réussi à faire le deuil. Soudain il me dit :
– Et toi, Daniel, quand vas-tu enfin comprendre que le Seigneur t’appelle et veut, pour ton plus grand bien, changer ta vie ? Il t’a donné des avertissements, ne méprise pas la grâce de Dieu !
– Eh bien ! Ces paroles brisèrent ma résistance, je pus enfin ouvrir mon cœur à l’amour merveilleux de Dieu, je pus enfin lui demander pardon pour mes innombrables péchés, mes révoltes, mes colères… Je me sentis misérable et indigne du glorieux sacrifice de Jésus. J’eus la révélation de l’immense amour gratuit de Jésus pour moi. Théo, crois-moi, je sentis aussi, au fond de moi-même qu’il voulait que je le serve.
– Je n’en doute pas un instant, Daniel. Tout ceci a-t-il changé quelque chose dans ta vie ?
– Oh oui, Théo ! J’ai commencé par jeter tous mes disques de hard rock, par brûler les livres impurs et souillés… J’ai mis de l’ordre dans ma chambre et dans mon cœur !
– Les relations avec tes parents ont-elles changé ?
– Mes relations avec mon père ne se sont pas améliorées de suite. Il a fallu un temps de guérison. Je suis reconnaissant à Dieu pour l’amour fidèle et constant de notre mère, pour ses nombreuses tentatives de m’épargner la bastonnade paternelle… Ô l’amour d’une mère ! Ô les prières d’une mère ! Ces prières dites avec le cœur, dites avec les tripes, sont toujours exaucées ! Ma conversion est l’exaucement des ferventes prières de ma chère Maman ! Merci, Maman ! Le Seigneur l’a appelée auprès de lui alors qu’elle n’avait pas encore soixante-dix ans !
– Un grand nombre de serviteurs de Dieu avaient des mères qui savaient prier.
Je crois que c’est à cette époque que le Seigneur t’a permis de rencontrer celle qui est devenue ton alliée, ton aide précieuse et ton meilleur supporter ?
– Oui, Théo. Étant de la classe 85/06, je devais partir à l’armée en juin 1985, mais par un concours de circonstances je pus être de nouveau chez moi au mois de juillet. Là je me souvins qu’à un camp de La Ligue pour la Lecture de la Bible à Sumène, Hélène, une jeune-fille qui avait eu le don de m’émoustiller, m’avait déclaré :
– Si tu passes dans le coin, viens me voir !
– Pour qu’un Alsacien passe dans son coin perdu dans le Sud-Ouest de la France, il fallait vraiment qu’il le veuille ! Eh bien, le 12 juillet 1985, j’ai passé dans son coin et elle m’a invité à passer la fin de semaine dans sa famille. Tu ne seras pas étonné, Théo, d’apprendre que nous nous mariâmes en mai 1987 ! Ah ! J’aime bien les mois de mai !
Le 29 février 1988 naquit notre fils Quentin ! J’étais fier comme Artaban ! Quentin était, comme on dit chez nous, un Stammhalter (un héritier mâle) !
Vingt-trois mois plus tard naquit Lysisca. Nous n’étions pas pressés de commander un troisième enfant, mais cinq ans plus tard vint Alban, un garçon magnifique ! Alban était spécial, Alban était tellement touchant, Alban avait un visage radieux, pas comme un nouveau-né tout fripé, mais comme un ange ! Je n’ai jamais vu d’anges, mais c’est ainsi que je me les représente ! Alban avait moins de deux kilogrammes, mais les infirmières ne nous firent pas savoir si elles le mettraient en couveuse. Elles restèrent silencieuses. Elles me firent cependant comprendre qu’un médecin viendrait me parler. J’étais de moins en moins rassuré. Au bout d’une heure, un médecin qui avait l’air plutôt accablé, vint me voir :
– Avez-vous d’autres enfants ?
Un dialogue lourd, difficile à supporter… Alban est trisomique ! Dans mon cœur : douleur, amour pour Alban et confiance en Dieu !
En l’honneur d’Alban, j’ai composé le poème suivant :

Un cadeau de Dieu

Nous t’avons désiré,
Et notre prière a été exaucée.
De notre cœur tu t’es fait aimer
Et notre tendresse tu as stimulée.

Par cette belle journée d’été
Dans la voiture nous sommes montés.
Pas de panique, maman est rodée,
Et après tout, ce moment sera vite passé !

Te voilà si fragile et si petit,
Pas encore prêt à vivre cette vie.
Dans ce monde si dur,
Tu sembles si pur !

Le premier baiser donné,
Une joue tendrement caressée
On vient te chercher
Pour vérifier et contrôler.

Le regard dérobé du personnel
Aurait dû me mettre la puce à l’oreille.
« Monsieur, le médecin veut vous parler,
Me dit-on d’une voix étouffée.

Vous savez, la nature est parfois bizarre
Elle frappe souvent au hasard.
Avez-vous d’autres enfants,
Sont-ils bien portants ? »

Comment le lui annoncer ?
Je sens le sol se dérober.
Ne se doutant de rien
La maman est si bien…

Dieu l’a voulu et permis ainsi
Que son Saint Nom soit béni !
Tu es né différent, et tu es notre enfant,
… ALBAN !

Fabien, né trois ans après Alban, nous a beaucoup consolés. Consolés ? Mais nous avons pleinement accepté Alban ! Nous l’aimons sincèrement ! Il fait totalement partie de la famille ! En fait, nous aimons également nos quatre enfants ! Même si Alban occupe une place particulière !
– Alban : un fardeau et une grâce !
Tu as touché à toutes sortes de métiers ?
– Oui, j’ai exercé plusieurs métiers manuels, commerciaux, informatiques ; pendant quelque temps j’ai conduit des poids lourds… La période la plus heureuse fut celle où j’ai été responsable d’une librairie protestante évangélique à Strasbourg. Ce travail, qui était bien plutôt une vocation, m’a permis de rencontrer des personnes exceptionnelles !
– Être aumônier des prisons, je pense que c’est aussi une vocation ?
– Oh oui ! Je suis aumônier bénévole des prisons depuis 2005. J’ai besoin de la sagesse de Dieu pour gérer les situations les plus diverses. J’ai immensément besoin du Seigneur pour me décharger sur lui de secrets terribles, lourds à porter, souvent affreux. Ils salissent mon âme. L’Apôtre Paul dit que certaines choses ne devraient même pas être mentionnées ! J’ai besoin du sang de Jésus pour me purifier et me restaurer.
Par la grâce de Dieu, certains comprennent qu’ils ont, eux aussi, besoin d’être purifiés par le sang de Jésus ! Quel bonheur, alors, de voir des créatures déchues, relevées par l’amour et la bonté de Dieu ! C’est ce qui motive mon ministère d’aumônier.
Dieu a permis que je fasse un grand nombre de voyages dans le monde. J’en parle, assez en détail, dans mon livre Le Train de Dieu.
– Merci Daniel pour ce partage vraiment intéressant. J’espère que plusieurs lecteurs vont lire ton livre dont le gain des vente est partiellement reversé à un Orphelinat du Cameroun…
Au revoir Daniel.
Théophile Hammann

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